Raphaël Imbert

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Musical journey in USA # 6-7



le 9 juin 2010 
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Day #6-7 “...To miss New Orleans ?”

 

Sarah Quintana
Slewfoot on Mississippi
Welcome in Georgia

Day #6-7 “...To miss New Orleans ?”

Qu’ai-je laissé à New Orleans ? Saurais-je ce que veut dire “New Orleans me manque”, comme me le demande la célèbre chanson, presque un hymne officieux, avec “Basin Street Blues” et “Oh Didn’t He Ramble” ? En attendant, Montgomery, Selma, Birmingham, Tuskegee, Atlanta, j’ai l’impression que l’histoire de la lutte des droits civiques défile devant mes yeux au fur et à mesure que je roule à travers les États du Sud (Louisiane, Mississippi, Alabama, Géorgie (avec le slogan “Georgia Music is our music”), Caroline du Sud (là, c’est plutôt American flag, Marines, “In God we trust, United we stand”), et enfin Caroline du Nord. Je regrette de ne pas avoir le temps de m’arrêter à chaque fois, voir le Tuskegee Institute créé par Booker T. Washington, et le musée des Tuskegee Airmen, les premiers aviateurs noirs de la seconde guerre, le musée Hank Williams, les champs de bataille de la “Civil War”, les lieux de la nation Cherokee, détruite entièrement mais dûment célébrée par les panneaux officiels du National Park Dpt. Cela me démange, à tel point que je m’autorise une halte à Atlanta, dans un lieu que j’ai toujours souhaité visiter, histoire de sortir de la monotonie des routes américaines : paysages magnifiques mais peu variés, panneaux publicitaires partout, sorties d’autoroutes rigoureusement similaires. Comment ne pourrais-je pas m’arrêter au Martin Luther King Jr. Memorial Park ? C’est ici qu’il est enterré, qu’il est né, qu’il a prêché. C’est un lieu étonnamment serein, une invitation au recueillement le plus profond, dans un environnement pourtant très urbain. Dès le parking, un pavement des grands noms de la lutte des droits civiques (dont Tony Bennet et Desmond Tutu !), jalonné des paroles du Dr King gravées dans le marbre, vous mène jusqu’à la statue du Mahatma Gandhi. Là, un bâtiment vous accueille, qui renferme l’exposition permanente consacrée au Dr King. Peu importe que l’on croit ou non au progrès de la cause des droits civiques, que l’élection d’un président noir n’a rien apporté, que les problèmes restent les mêmes, je ne peux pour ma part rester insensible au parcours qui est proposé, digne, intelligent, instructif mais malgré tout à la mesure d’un homme d’exception. Une salle d’exposition temporaire à la bonne idée de proposer une série de portrait de diplomates qui ont sauvés des juifs durant la guerre. Une manière de montrer, hors des tensions de l’actualité, la manière dont Martin Luther King avait parlé aux représentants de la communauté juive, et que les causes de chacun étaient la cause de tous. En sortant, presque forcé par l’émotion qui m’étreint devant le dernier discours, sublime, qu’il fait à Memphis la veille de son assassinat, nous tombons sur le mémorial en lui-même, où il est enterré avec sa femme, Coretta. Il règne en cette magnifique journée de Géorgie une intemporalité propre à ce quartier de Sweet Auburn, qui a su mettre en valeur le quartier du Dr King, sa maison natale, L’Ebenezer Baptist Church, les baraquements d’époque qui datent des grandes émeutes raciales du début du siècle dernier, sans pour autant que cela tourne à la foire touristique, bien que l’endroit soit l’un des plus visités des USA. C’est l’esprit grave et serein donc, que je quitte rapidement Atlanta, n’ayant pas franchement envie, vous comprendrez, de continuer sur le musée COCA COLA, le mémorial Jimmie Carter ou l’aquarium de Géorgie, fut-il le plus grand de la région, paraît-il.

Le temps qui m’ait donné dans ce long trajet en voiture me laisse donc méditer sur cette première semaine. Qu’ai je donc laisser à NOLA ? Des Brass Bands hallucinants, dont un qui devait, sans rire, dépasser très largement en décibels tous les groupes de Metal que j’ai jamais vu (pas beaucoup certes, mais quand même). Le “fais-dodo” du Tipitina’s, traditionnel bal cajun de ce club légendaire du quartier sud, qui me rappelait un peu, dans l’engouement et le mouvement, le bal afrikaner auquel j’avais assisté en Namibie il y a quelques années. Là comme partout ailleurs à NOLA, il y a un maître de cérémonie qui ici officie, avec un compère, au washboard, pour entrainer l’audience dans la danse. Là comme partout ailleurs à NOLA, les enfants sont mis à contribution, pour que la culture continue, jamais figée, toujours présente, avec ce sens de la transmission si important là-bas.

Mais j’ai surtout laissé à NOLA un homme hors limite, hors des conventions. Si vous passez sur le fleuve Mississippi, plutôt qu’une croisière pour touriste, écoutez sur le bord de la rivière un street artist, Slew Foot, que vous auriez sans doute vite laissé à ses déambulations musicales et poétiques, tant sont nombreux ses perfomers plus ou moins probants dans le French Quarter. Vous remarquerez malgré tout que, lui, il n’est pas dans le Vieux Carré, il officie depuis des années sur le bord du fleuve, malgré la sonnerie cassée et permanente du streetcar, malgré la police qui désormais aimerait plus de “discipline” dans le quartier touristique. J’avais remarqué son sticker “Music Maker” sur sa guitare et j’avais su immédiatement que je me trouvais devant cet artiste particulier, héritier autant des bluesmen de Louisiane (avait qu’il joue, notamment Alabama Slim et Little Freddie King) que des des songwriters des années soixante, et qui bénéficie de l’aide de cette fondation créée par Tim Duffy pour évoquer les artistes américains comme en quelque sorte les “trésors nationaux” de la musique populaire, dont le gouvernement n’a que faire. Je me présente, et la première chose qu’il me dit c’est “tu es le bienvenu chez moi, ne laisse pas d’argent à ces p... d’hôtels !”. Je le rassure quand à mon hébergement, et lui explique que je le cherchais pour mon projet. Il est étonné et heureux, mais il m’avoue rapidement : “Je suis mourant, tu sais. T’as intérêt à te dépêcher, je dois aller à l’hôpital sans savoir si je peux payer et ce qui m’arrivera”. Je ne savais pas à quel point il était sincère. Je lui promet de revenir le lendemain, car je n’ai pas mon matériel, et lui demande si il n’a besoin de rien : “tu peux me prendre un pepsi ?” et il me tend un dollar, que je refuse. Je reviens avec, et j’en profite pour lui acheter un CD (édité chez Music Maker, commandez-le !), qui se révélera magnifique. Le lendemain, même endroit, il est là, la pluie menace, le vent est fort, les vendeurs à la sauvette et les arnaqueurs à la petite semaine qui gagnent dix fois plus que lui l’emmerde, on se retrouve sous l’arrêt du street car, à l’abris d’une pluie qui devient plus menaçante. J’enregistre un entretien qui ne peut pas avoir de méthodologie propre, tant la situation et le bonhomme sont étranges, mais qui restera bien marqué dans mon âme. Les gens nous regardent de travers, se demandent pourquoi j’enregistre celui qui prenne pour un clochard, qu’il est plus ou moins puisqu’il est hébergé à l’autre bout de la ville, dans une mission catholique. Mais certains tout de même tendent l’oreille, car tout ce qu’il me raconte, il l’illustre en chantant, en jouant. Franchement, je ne crois pas avoir vécu de moment intense comme celui-ci, nous sommes loin des brass-band, des collectifs, des parades, mais nous sommes proches de ce que cette ville apporte, de la force. Dès qu’il touche la guitare, dès qu’il chante, son regard se change instantanément, plein d’amour et de générosité. Pour retomber, aussitôt qu’il s’arrête, dans les affres de son enfer quotidien. Ses influences ? Les Mills Brothers, qui l’aurait crû ? (pas cette veille dame qui nous regardait avec dédain, jusqu’à ce que Slewfoot entame un vieux standard des Mills plein de swing, et la veille dame de dodeliner du chef avec nostalgie) James Brown, le Godfather. Bob Dylan. Richie Havens, avec qui il a eu le plaisir de jouer. Le Blues évidemment, et qu’on vienne pas lui dire que ce qu’il joue c’est du folk et pas du blues, sous prétexte qu’il est blanc : “j’ai grandi avec les noirs, et de toute manière j’emmerde les gens qui disent ça et qui n’y connaissent rien”. Mais la plus grande influence c’est sa vie : sa mère s’est suicidée quand il était jeune adolescent, il l’a trouvé allongée sur le sol une balle dans la tête, son frère est revenu du Vietnam transformé, il a quitté la maison vers 13 ans, homeless à l’âge du collège, jusqu’à ce que son père le retrouve. Et il me chante l’une des premières chansons qu’il a écrite, magnifique, déjà. Mais il me la chante comme il peut, visiblement, les problèmes de santé prennent le dessus, et ici ils peuvent être funestes. Peu importe ce que SlewFoot pense de la tradition, de l’improvisation, de tout le reste. Il me montre le plus important dans la musique de cette ville, et de ce pays, un élément qui transcende les techniques, les académismes, les pédagogies, les théories : Raconter une histoire. C’est ici la plus tragique, mais ce n’en est pas moins la plus belle. Voilà ce que je laisse à la Nouvelle Orleans

Et que trouverais en Caroline du Nord ? En tout cas Big Ron Hunter, proclamé “le bluesman le plus heureux du monde” qui m’a répondu en ces termes : “Très heureux de t’accueillir. J’ai une chambre d’ami, tu peux rester à la maison le temps qu’on bavarde”.

Welcome to North Carolina....



1 Message

  • Heureux de te lire... 12 juin 2010 08:55, par Alain SOLER

    Coucou Raf
    C’est avec beaucoup d’intérêt et d’émotion que je viens de lire les articles laissés sur ton blog, au fil des jours passés. Tu m’as bien fait voyager ...
    Keep on pushing bro’ !
    Et une pensée amicale et affectueuse d’ici, dans les Alpes.

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Musicien autodidacte né en 1974, Raphaël Imbert poursuit un chemin atypique (...)

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