Raphaël ImbertMusicien autodidacte né en 1974, Raphaël Imbert poursuit un chemin atypique dans la grande famille du Jazz et des musiques improvisées, artiste et pédagogue exigeant, arrangeur et improvisateur recherché. L’un de ses domaines de prédilection est le spirituel dans le Jazz. ActualitésTextesExtraitsLiensAgenda |
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Musical Journey in USA round 2"Fat Matt’s Rib Shack"Par Emmanuel Parent (texte et photos)
Nous avons laissé Art Rosenbaum à ses banjos et ses histoires de old timers des montagnes pour nous rendre dans la capitale de Géorgie, Atlanta. Malgré ses 4 millions d’habitants, Atlanta reste une ville aérée, installée dans la forêt, du moins pour ce que nous en voyons. Nous devons nous rendre dans un restaurant soulfood, où l’on sert des Ribs, les bas-morceaux de porc cuits au feu de bois pendant des heures, jusqu’à ce que la viande se détache de l’os. Une institution ici, irrémédiablement liée à la musique des Noirs du Sud. C’est souvent dans ces restaurants populaires qu’on vient écouter la musique. (À New Orleans le jeudi soir, devant le club Hiho Lounge sur Saint-Claude Avenue, lors de la pause vers 23h30, deux pick-up sont garés et font griller des BBQ ribs dans des foyers à charbon, et vendent des bières dans des glacières.) C’est Eddie Tigner qui nous a proposé de venir l’écouter. Je l’avais rencontré en France, lors d’une tournée de Music Maker Blues review : un spectacle de quelques artistes noirs assez âgés, représentatifs de la fondation Music Maker. Montée il y a 20 ans par Tim Duffy et sa femme, à Hillsborough en Caroline du Nord, Music Maker Relief Foundation produit des musiciens détenteurs de la tradition américaine et qui sont hors du circuit professionnel et de l’industrie de la musique. La fondation leur vient en aide socialement. La plupart des musiciens que nous rencontrons ont eu des métiers d’hommes d’entretien, laveurs de voiture, jardiniers et ont des retraites dérisoires, quand ils en ont… Ils réalisent aujourd’hui leur rêve : enregistrer des disques et faire des concerts, jusqu’en Europe.
Eddie Tigner est né en 1928, a obtenu sa carte du syndicat des musiciens en 1947. Il s’est fait embauché dans un show télévisé comme musicien de 1951 à 1987, tout en faisant d’autres boulots parallèles. Il a pris sa retraite en 2006 (à 78 ans !). Il joue ce soir comme tous les jeudis, au Fat Matt’s Rib shack – un lieu connu de la ville, « world famous » si on en croit la pancarte à l’entrée. C’est un snack crasseux mais coloré, les serveuses sont exécrables, du moins jusqu’à ce que Eddie leur demande de nous traiter comme des amis. Car il est content de nous voir, il m’a reconnu dès que nous sommes entrés dans le club soulfood et nous présente au micro comme ses « amis européens ». Avec son band, les Chicken shack, ils interprètent surtout un blues électrique et quelques standards de jazz. Le guitariste, Frankie Lee Robinson, un solide gaillard « as tall as a Georgia pine » comme on disait à l’époque, chante également. Malgré son âge, Eddie chante toujours aussi juste. Du haut de son mètre 58, avec son bermuda en jean et sa casquette Road 66 (un de ses tubes), il a un look incroyable et reste un grand monsieur du blues. Ça me rappelle l’ambiance de rivalité des années 1930, quand Lester Young débarquait dans les villes du midwest comme Kansas City ou Oklahoma City et que le bruit de sa venue « in town » se répandait comme une traînée de poudre parmi les musiciens locaux. Ici, dans ce Rib Shack improbable où la tradition du blues est perpétuée pour des familles et des jeunes qui vont et viennent en écoutant la musique d’une oreille distraite, c’est une jolie médaille que Raphaël est venu chercher. *** Assis dans le fond de la salle, je me mets à discuter avec Jason McPherson, un Blanc d’une trentaine d’années « from Thomasville, Alabama » [noms modifiés]. En lui expliquant pourquoi nous sommes ici, nous en venons à parler du Tuskegee Institute, en Alabama (l’université historique pour Noirs que nous venons de visiter quelques jours plus tôt, celle où Ellison a fait ses études dans les années 1930). De Tuskegee, nous abordons le sujet des Noirs en Alabama. Et, comme logiquement, bien que le sujet ne soit pas le moins du monde naturel ici dans une discussion entre Blancs, nous en venons à parler de la condition noire et de la ségrégation. ***Le lendemain, nous retournons au Fat Matt vers midi pour retrouver Eddie Tigner. Cette fois-ci, nous devons l’interviewer au calme et il nous a convié au même endroit. Lorsque nous arrivons, nous rencontrons Alexei Steele, un « Russian-American from Los Angeles » comme il se présente lui-même. Nous l’avions repéré dans le public hier, avec son chapeau, ses cheveux longs et son grand rire. Nous hallucinons d’apprendre qu’il est venu peindre le portrait de Eddie Tigner. Il est exubérant et déchaîné comme peut l’être un peintre russe qui habite Los Angeles et nous entraîne tous dans le shack, en emmenant les instruments d’Eddie Tigner à l’intérieur. Le Fatt Matt, ce midi, est plein à craquer. Les gens font la queue pour commander leur menu. Qu’à cela ne tienne, Alexeï installe son chevalet et matériel, nous mettons en place la caméra et le zoom H4 pour enregistrer sur la scène. Eddie lui se met au piano, pour les besoins du portrait. Il y a beaucoup de bruit dans le resto, et nous devons approcher le micro très près de Eddie pour capter sa voix. Avec Ed Teague il y a deux jours, à 60 miles de là dans les montagnes, la difficulté pour comprendre nos contacts était déjà maximum ! L’accent de ces petits vieux de Géorgie et leur façon de parler est décidément très dur à comprendre. Malgré tout, l’entretien se déroule bien. Eddie nous retrace son parcours, parle de Music Maker, des tunes qu’il aime jouer et de la façon de les jouer, de lutherie électrique. Ce dont vous parlera Raphaël dans un prochain article… Nous repartons du restaurant tout heureux d’avoir pu mener cet entretien, dans cette ambiance survoltée d’un fast food à l’ancienne. |
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