Raphaël Imbert

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Musical Journey in USA round 2



le 28 avril 2011 



# Day 3 « Who Dat ? »

 

Marigny
Uncle Lionel Baptiste
John Boutte at DBA
fireworks in Frenchmen
Street Music

Par Raphaël Imbert (photos Emmanuel Parent)

Une matinée à Marigny. Jasmin, chants d’oiseaux, le vent dans les feuilles de magnolia et de palmiers. Au loin, toujours ce bon vieux street organ, celui-là même qui m’avait rendu schizophrène l’année précédente à force de le chercher. C’est l’orgue du bateau de Natchez sur le Mississippi, puissant, faux, swinguant. Emmanuel arrive, nous préparons l’entretien que nous allons avoir avec Alabama Slim. Emmanuel a déjà effectué une belle interview du bonhomme, un digne représentant d’un Blues profond qui ne cherche en rien la démonstration. Une voix qui peut rappeler John Lee Hooker, un jeu de guitare minimaliste qui ne doit rien à une quelconque technique académique, un geste musical tout entier au service de la narration, de l’histoire prosaïque et pourtant proverbiale. Les enregistrements Music Maker d’Alabama Slim illustrent cette tendance première du Blues à d’abord servir le musicien lui-même, un chant cathartique du musicien pour lui-même. D’ailleurs, selon l’entretien qu’a effectué Emmanuel, Alabama Slim n’aura jamais été musicien professionnel avant que son cousin Little Freddie King ne le présente à Tim Duffy, il n’aura jamais écris que ses propres chansons, jamais joué les blues des autres, et le peu de mot qu’il utilise en réponse aux questions d’Emmanuel, l’économie de son propos, illustre une propension à l’intériorité et au pragmatisme. Nous préparons ce nouvel entretien, Slim ayant accepté de jouer pour nous et avec nous, et je choisis quelques extraits musicaux, pour recueillir ses réactions. Un comparatif entre le Dida Dida Doo des Mills Brothers, et la version remixé par les DJ de G-Swing. Un blues enregistré par Bob Wills, l’inventeur du western swing. Bien sur, un Son House plus proche a priori de ses préoccupations. Pourquoi pas, un extrait de mon improvisation sur une fugue de Bach, pour parler d’improvisation justement.

Sauf que….

Sauf qu’Alabama nous fait faux bon. Emmanuel l’appelle avant l’heure du rendez-vous, mais il est en vadrouille, il nous rappelle dès qu’il est chez lui. On attend, pour finalement apprendre une bonne heure après qu’il a trop de choses à faire, qu’il nous verra à notre retour. Ce sont des choses qui arrivent, mais nous accusons le coup, nous attendions tellement de ce moment.
Notre journée n’est pas perdue, nous le savons. Après réflexion, nous nous rendons à Frenchmen Street, sachant que Sarah et quelques amis doivent prendre place dans la rue pour jouer. Inévitablement, nous tombons sur la bande à Jack, Brad, George, qui semble ne pas avoir bougé de place au Marigny Brasserie depuis la veille. Le taux d’alcoolémie ne semble pas avoir bouger non plus. Au loin, on voit Uncle Lionel Baptiste, l’octogénaire du Treme Brass Band, qui attend avec son bass drum l’arrivée d’autres musiciens. Il est magnifique, il me fait penser à Capt Luke. Il est un peu une allégorie de l’endroit, une mémoire aussi.

Mais l’attraction ce soir, c’est John Boutté. Nous le voyons passé en vélo, sans façon, se rendant au DBA pour le concert du soir. Nous avions décidé d’y aller de toute manière, mais les copains nous y obligeraient presque. Il faut dire que John, non content d’être une incarnation créole et néo-orléanaise de Sam Cooke, a accédé au rang de star national depuis que sa chanson « Treme » est devenue le générique de la série du même nom. Brad nous propose de nous y emmener, nous n’osons pas le contrarier en lui disant que nous connaissons déjà le chemin ! Mais il se révèle un guide et un intermédiaire efficace, après avoir passé l’entrée du bar (« 5 bucks for John Boutté » me dit en guise de salut la caissière à l’entrée, comme s’il fallait encore me convaincre que les plus grands artistes sont décidément plus accessible ici) puisque rapidement il nous présente à Boutté, en expliquant vaguement le but de notre venue en ville. Ce jeune homme quinquagénaire nous explique au débotté sa filiation créole, son attachement à la ville, sa parenté avec Sydney Bechet. Il est une figure locale, mais plus encore, sur scène, sa voix touchante, au contrôle dynamique parfait, touche beaucoup plus largement, par sa candeur et sa générosité. Des gens de l’Amérique entière viennent le voir, il fait partie de cette catégorie de chanteurs qui pétrissent la beauté, touche l’âme populaire, chante l’amour sans aucune trivialité. Plus encore, sur scène, nous avons l’impression d’assister au terrain de jeu d’un enfant jamais rassasié, attentif à tout, réactif au moindre événement musical. J’ai toujours considéré cet artiste comme unique, et j’avoue à Emmanuel avant que le concert débute, que je suis impressionné par le bonhomme, et que pour une fois mon envie irrésistible de boeufer se confronte à une certaine timidité à l’aborder pour le lui demander. C’est Emmanuel qui immédiatement le rejoint pour lui demander si son ami saxophoniste peut jouer un morceau avec eux. John Boutté me regarde, souriant « Of course, it’s New Orleans ! ». Après plusieurs morceaux, dans un set acoustique sans batterie étonnant, en démontrant sa maîtrise du micro en le posant parfois au dessus de son nez, il me donne un signe pour les rejoindre. Blues en C. Emmanuel s’immisce devant la scène, se frayant un passage au milieu une foule dense, et filme le moment. Je suis au nirvana, je joue avec l’un des plus grands chanteurs du moment, visiblement à sa grande satisfaction, une autre vocaliste nous rejoint, d’un niveau tout aussi intense. Je ne crois pas avoir vécu de jam aussi excitante depuis longtemps. Nous passons même un moment backstage tous ensemble après le concert, une occasion de nouer des liens avec les autres musiciens, notamment Wendell Brunious, un trompettiste natif d’ici, fils du trompettiste John « Pickett » Brunious, toujours cette manière d’afficher sa filiation, sa parenté. On ne peut pas faire plus au centre de la vie musicale néo-orléanaise que ce soir. Pour s’en convaincre, nous rejoignons Sarah qui joue dans la rue avec un orchestre impromptu, ça swing, ça chante, et ça danse, notamment avec une tap-dancer déchainé. Soudain, des bruits d’explosion se font entendre au loin. Les regards se tendent, les visages se renferment, certains préfèrent passer leur chemin. C’est un feu d’artifice qui illumine le ciel de la Nouvelle Orleans, mais d’ici, beaucoup ont d’abord pensé à un règlement de compte, c’est déjà arrivé, même à Frenchmen Street. La gâchette est facile visiblement, et l’ambiance peut tourner radicalement de la franche camaraderie à la panique totale. Sarah a trop vécu dans cette ville pour oublier que tout peut arriver. Pourtant, la musique reprend tout de suite son cours, et le public semble oublier immédiatement son anxiété fulgurante. Le trompettiste de Hambourg qui est un habitué de la ville nous explique que finalement cette période post-katrina est peut être la plus opulente depuis longtemps en terme de tourisme, de travail, et de musicien. « Who Dat ? » disent les supporters des Saints de New Orleans pour signifier « Qui peut battre les Saints ? ». « Who Dat ? », qui peut battre cette ville, même d’un coup de feu ?



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Musicien autodidacte né en 1974, Raphaël Imbert poursuit un chemin atypique (...)

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