Raphaël Imbert

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Musical journey in USA # 9-10



le 14 juin 2010 



Day # 9-10 “University mouvement”.

 


Day # 9-10 “University mouvement”.

Je me réveille chez Ron, encore sous le charme de ma journée de la veille un peu spéciale dans le Drink House de Winston-Salem. On prend son temps, on discute, on évoque différentes questions musicales ou non. Tom, l’assistant de Tim Duffy, qui est resté aussi chez Ron, attend un ami qui doit l’amener dans le Tennessee au festival de Boonaroo, le “Woodstock” du Sud, où il doit filmer les Carolina Chocolate Drops, le groupe star de Music Maker. Trois jeunes musiciens superbement talentueux, une femme et deux gars, qui affolent le monde entier avec leurs folk pluridisciplinaire et profondément ancré dans les racines de la musique américaine. Tom m’avoue que ce ne sera pas l’endroit idéal pour les rencontrer, il y a plusieurs milliers de personnes qui viennent à ce festival, en pleine campagne, dans une chaleur suffocante. Il parait qu’Ornette Coleman y a fait un syncope l’année dernière. J’espère les rencontrer en octobre, il représente la nouvelle génération de ce que certains appellent “l’Americana”. Capt Luke arrive dans sa rutilante voiture, toujours magnifique. Il vient avec un CD, qu’il ne pouvait nous faire écouter la veille, son poste antédiluvien ayant rendu l’âme. Il est très fier de nous faire écouter un programme de la radio nationale dont il est le sujet principal. Tom en profite pour, enfin, lui montrer les vidéos qu’il a prise pour Music Maker et qui sont des bijoux d’humour et de musique (allez sur youtube, tapez “Music Maker Relief Foundation, et régalez vous ! Faite un don au passage, c’est pour la bonne cause !). Capt n’a pas d’ordinateur dans son logement social, pas de clim’ non plus, ce qui est une rareté ici... Il découvre avec délectation, une bière matinale à la main, les vidéos dont il est le personnage truculent, délivrant des trésors de vocabulaires originaux, d’expressions inventées, d’argot personnel. Les heures passent, au rythme du sud, et c’est avec tristesse que je quitte Ron, Tom et Capt, malgré tout heureux de reprendre la route, d’avoir du temps pour réfléchir en roulant à mon séjour qui entame bientôt sa deuxième moitié. Comme toujours ici, les distances que l’on voyait petites sur la carte se transforment en longues heures de conduite, mais pour une fois moins monotones, car rapidement la chaîne des Appalaches apparait à l’horizon, et l’on a vite fait d’arpenter, malgré l’autoroute, un chemin sinueux parmi les montagnes majestueuses.

Les Appalaches....

Le nom de la Nouvelle Orleans vous évoquera immanquablement le jazz, comme New York ou Chicago, et comme Milan vous évoquera la Scala et Bayreuth, Wagner. Mais les Appalaches, généralement, ne font que supposer une chaîne sauvage au milieu des états ruraux du sud des USA, où la musique que l’on trouvera sera certainement “corny”, “country”, bref rudimentaire et rurale. Si tel est le cas, cher lecteur, je vous demanderais de bien vouloir réviser votre jugement. Ces montagnes sont aussi importantes pour l’émergence de la musique américaine que New Orleans et NYC. C’est ici, depuis le 18ème, que fermiers écossais, irlandais, allemands, anglais, esclaves fugitifs des plaines, ont mixés, dans cet environnement retiré, leurs cultures musicales. Le banjo est devenu l’instrument phare, la créativité des échanges la norme. Même dans les années quarante, un mouvement comparable au BeBop s’est développé dans ses montagnes, avec la même quête virtuose, la même fougue, la même envie d’authenticité et de nouveauté : le bluegrass.

Mais pour le moment, je traverse les montagnes pour me rendre à Knoxville, Tennessee, chez mon amie Rosalind I. J. Hackett, par ailleurs responsable du département d’anthropologie des religions à l’université du Tennessee. J’avais connu Rosalind quand je m’étais mis en contact avec Zim Ngqawana, l’immense saxophoniste sud-africain, avec qui nous avons fait l’album “Newtopia”, et dont Rosalind est très proche. Nous avons toujours gardé le contact, mes recherches sur le spirituel et ses activités d’organisatrice d’événements caritatifs autour du Jazz et de l’Afrique permettant des connexions régulières avec nos professions respectives. Elle m’invite même à Toronto en août prochain pour son symposium “Sound as/in Religion” dans le cadre du congrès international d’histoire des religions, où je présenterai mes recherches. J’avoue qu’à la vue de son magnifique jardin, de sa maison accueillante, je me dis que je vais pouvoir sereinement me remettre de mes émotions passées, et de cinq heures de route épuisantes dans les montagnes. D’autant que la vie musicale de Knoxville n’a pas la même notoriété que NOLA ou Nashville. Mais Knoxville a un important département jazz à l’université, dirigé par Marc Boling, et dont Donald Brown, l’ancien pianiste des Jazz Messengers, est un professeur renommé. Je suis particulièrement curieux de voir comment je vais réagir à la pédagogie scolaire américain par rapport à tout ce que j’ai vécu jusque-là, et dont le moins que l’on puisse dire est que j’étais loin des préoccupations académiques ! Rosalind a prévu un programme. Elle me fait visiter l’université, qui représente tout un quartier de la ville, avec un stade colossal au milieu, de 125 000 personnes, pour l’équipe de l’université et les matchs très prisés au niveau national. Le sport représente, comme la plupart des universités américaines, le moteur médiatique et financier de l’institution. On s’arrête au bâtiment “Jazz Studies” et je fais connaissance avec Marc Boling. Livres théoriques, méthodes, Aebersold dans une bibliothèque de la salle de cours ; tout d’un coup, je me sens très loin de la Nouvelle Orleans. Mais l’homme est charmant, et les présentations faîtes, je lui dit que j’aimerai bien organisé une session en octobre avec lui, avec des professeurs, des étudiants, autour d’OMAX. Très rapidement même, l’idée d’une master-class et de rencontre pluridisciplinaire germe dans notre esprit à l’évocation de ma venue et de celle de Jean Jamin et Jean-Paul Colleyn. Let’s see, comme on dit ici. Après avoir fait un tour dans le département d’anthropologie, et jeter un oeil admiratif à l’immense bibliothèque, nous longeons l’avenue principale qui mène de l’université au club où quelques musiciens jouent ce soir. C’est l’histoire des dénominations protestantes et religions américaines qui défilent alors sous nos yeux. Synagogues, églises méthodistes, baptistes, épiscopaliennes, et enfin unitariennes, très progressistes (“libéraux”), à tel point que beaucoup de professeurs de l’université en sont membres, et qu’ils ont subi une tentative d’attentat l’année dernière de la part d’un illuminé réactionnaire, qui a tout de même fait quelques victimes. Le Tennessee semble un état très religieux, où l’alcool est interdit de vente le dimanche matin. Arrivé au club, façon nigth-club “parrain” année soixante, au bord de l’autoroute, je découvre quelque chose qui, finalement, me dépayse totalement. On ne peut imaginer orchestre plus mixte : noir-blanc, femme-homme, et surtout la chanteuse et la pianiste en fauteuil roulant, sans que cela n’ait l’air de quelque manière que ce soit de perturber ni l’assistance, mixte également, ni la musique. J’ose à peine imaginer l’enfer que vivrait ces deux musiciennes en France et à Marseille, autant pour les aimables commentaires de l’assistance auxquels elles auraient droit immanquablement dans la cité phocéenne, que pour leurs difficultés à accéder au moindre lieu public. Dois-je avouer désormais que j’ai toujours eu le sentiment que les américains avaient fait plus avancer les choses sur ces questions, au risque du “politiquement correct”, que les français qui dorment un peu trop sur leurs lauriers. Ce voyage dans le Dixieland ne m’aura pas fait changer d’avis, ayant observé tant d’échanges multiculturels alors que je m’attendais beaucoup plus à voir les séquelles de la ségrégation. Un seul jour de la semaine reste parfaitement ségrégué, le Dimanche, chacun retournant dans ces pénates religieuses.

Revenons au club, et ce qui me semble bien être de prime abord un parfait exemple de jazz académique : partitions sur les pupitres, standards uniformes, scénographie habituelle de l’ordre des solos. Je suis loin de la Nouvelle Orleans ! Mais l’esprit du Sud est bel et bien là. Je suis vite invité a jouer, et rapidement les échanges s’enflamment, les chorus s’enchaînent. Je retrouve les mêmes “boeufeurs”, Emily au piano, Marcel au sax ténor, Marquis au sax alto, le lendemain au soir, au S&W, magnifique club des années 20, où Vance Thompson officie à la trompette, magnifique son et swing. Par ailleurs, Vance est le leader et arrangeur du Knoxville Jazz Orchestra, un big band de grande classe, que j’avais déjà entendu sur disque. Le jazz reste encore académique, mais le batteur, Thad Brown, le fils du professeur de batterie de l’université, est assez hallucinant. Là aussi, la jam-session devient rapidement d’actualité, et l’idée que je revienne en octobre pour ce projet si spécial semble contenter tout le monde depuis la veille ! Le plus académique des musiciens présent ce soir-là, et pas le plus intéressant ni le plus sympa (j’avais une touche collé par la très forte humidité, qui me faisait parfois jouer un si bémol à la place d’un si bécarre, et lui de jouer le pont de “So What” 8 mesures trop tôt, déstabilisé par mes notes étrangères, en me regardant comme si c’était ma faute ! Ce genre de personnage est finalement universellement réparti sur la surface du globe, ça rassure !) me réserve une surprise technologique : il a un IPad sur son piano pour les partitions ! “Je peux tout transposer à la demande, c’est génial !”. Je ne peux pour ma part m’empêcher de penser, qu’avec ou sans IPad, il ferait mieux de jouer les standards sans rien devant les yeux...

La personnalité de Donald Brown, absent en ce moment pour cause d’intervention chirurgicale, est très présente dans les conversations, tout le monde l’évoque, me dit que c’est dommage que je ne fasse pas sa connaissance. Là encore, rendez-vous est pris en octobre. Finalement, la forte présence de ces étudiants très curieux et très en demande, offre des perspectives passionnantes pour les sessions que l’on pourrait organiser en octobre, un contraste avec les musiciens “roots” que j’ai jusque là rencontré. D’autant que, d’après Marc Boling, la classe de jazz essaye de garder l’esprit “street art” du jazz dans l’apprentissage. Je pense que l’on pourrait efficacement expérimenter certaines notions que je commence à envisager depuis mon arrivée, une sorte de modélisation de l’esprit oral de cette musique, dont OMAX pourrait servir d’outil. Grâce à Rosalind, qui encore une fois se révèle une excellente “facilitatrice” et une aide précieuse, je rencontre une flopée de musiciens différents, qui représentent assez bien cette ville à la croisée des chemins, entre Nashville et Atlanta, entre montagne et Mississippi, une ville qui finalement semble cultiver ce que Kansas City était dans les années quarante : un lieu central de rencontre. À tel point que des musiciens comme Jeff Coffins ou Greg Tardy semblent se fixer en ville, et qu’un couple comme Kelle et Will, vocaliste et saxophoniste de très grand talent, que j’ai rencontré chez Rosalind, peuvent voir positivement l’avenir de cette ville, et le leurs par la même occasion.

Loin du tumulte new-yorkais et de la fournaise néo-orléanaise, Knoxville est sans doute une ville à suivre de très près, à mi-chemin entre jazz urbain et musique rurale, tel le bluegrass que je rencontrerai demain, à Asheville, avec Stephen Trismen et Carry Fridley.



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Musicien autodidacte né en 1974, Raphaël Imbert poursuit un chemin atypique (...)

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