Raphaël Imbert

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Lettre à Christophe Castaner et à tous mes amis de gauche



le 14 décembre 2015 
 Point de vue 
 
 Politique 
 



Réflexions d’un soir de résultats électoraux, à l’adresse du candidat socialiste aux régionales 2015 et à tous ceux qui souhaitent contribuer aux actions futures

 

Lettre à Christophe Castaner et à tous mes amis de gauche

Cher Christophe,

Aujourd’hui, dans l’isoloir, j’avais les larmes aux yeux. Pas tant pour le choix que j’avais à faire, tellement ridicule qu’il n’en était plus un. Je m’étais préparé depuis dimanche dernier à cette échéance, et je n’y voyais plus d’alternative, n’en déplaise à certains de mes amis qui définissent la démocratie par l’idée qu’ils se font de leur vote, au point que celui-ci ne peut se déporter hors de sa propre intégrité. Non, j’avais la larme à l’œil en pensant à mes treize ans de parcours fluctuant de citoyen et de militant. J’ai vécu un choc en avril 2002 qui m’avait poussé à demander ma carte à la section locale du Parti Socialiste lorsque j’ai déménagé à Oraison, dans nos Alpes de Haute Provence. A l’époque déjà, je n’avais pas hésité à voter Jacques Chirac au deuxième tour, pas plus que je n’ai hésité à voter Christian Estrosi aujourd’hui. Mais j’avais besoin de vivre de l’intérieur la vie des militants qui, coûte que coûte, croient à l’initiative citoyenne, pour conjurer le traumatisme d’avoir eu à faire ce geste pour moi incroyable de voter à droite. Je ne reviendrai pas ici sur les raisons qui m’ont emmené vers le PS plutôt que vers les autres partis de gauche et d’écologie pour qui je ressentais aussi beaucoup d’affinités, mais également assez de désaccords pour ne pas m’orienter vers eux. Il est inutile également je pense de dire pourquoi j’ai attendu d’arriver en Haute Provence pour adhérer au PS, tu es bien placé pour savoir qu’il est déontologiquement impossible de le faire dans les Bouches du Rhône, où j’habitais avant. Mais je peux ici tout à fait donner les raisons pour lesquels je n’ai plus participé à l’activité militante de ma région depuis…2012. Oui, je crois être un orphelin de la gauche comme de très nombreux autres depuis l’élection de François Hollande à la présidence de la République. Pourtant, ce que j’ai trouvé à l’époque en arrivant dans cette section était à l’image de ce que je comptais y expérimenter : diversité, débat, respect et écoute. Les choix du gouvernement, la surenchère des éléments de langages et les subtilités sémantiques des directeurs de communication qui supplantent le rôle des élus, ont eu raisons de mon militantisme. Me retrouver aujourd’hui dans la même situation qu’en 2002 représentait donc pour moi un vrai déchirement, le constat d’un échec personnel autant que collectif sur le peu de considération des raisons profondes qui ont installé l’extrême droite dans notre pays. Dans l’isoloir, sans trembler pourtant en mettant mon bulletin dans l’enveloppe, mes larmes exprimaient, au delà de l’inquiétude du résultat, une introspection sur nos responsabilités et sur notre culpabilité.

Il est de bon ton de dire désormais que tu aurais dû rester au deuxième tour, que de ne pas le faire représente une trahison pour tous les électeurs de gauche. Je trouve pour ma part que la critique est facile, et je sais pertinemment qu’un choix, par définition, est une trahison, et qu’il est par conséquent sujet à toutes les attaques. Des erreurs, tu en as faites durant cette campagne, inutile ici de le nier, inutile également de les énumérer. Des élans solidaires, il y en a eu de beaux également, et je te sais gré de l’écoute que tu as témoignée lors d’une campagne particulièrement difficile. Ce soir, ce sont d’autres larmes que nous pouvons verser en constatant que le Front National ne dirigera pas notre magnifique région, et que cela est dû aux électeurs de gauche qui ont su se mobiliser face à cette menace.

Oui, ce soir comme en 2002, c’est le peuple de gauche qui prouve qu’il est le seul rempart contre le Front National. C’est bien pourquoi j’affirme que je ne veux plus jamais revivre 2002 et 2015 !!!! Ne plus jamais me retrouver à me justifier de voter. Ne plus jamais à avoir peur pour le pays que je laisse à mes enfants. Ne plus jamais avoir honte de ce que notre système nous oblige à pratiquer. Aurons-nous la force, la volonté, voire même simplement l’occasion de refaire un tel geste, alors que la candidature de Marion-Maréchal Le Pen a bien failli remporter la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ? La question ne se pose plus pour moi : plus jamais ça !

Il s’agit donc de savoir pourquoi nous en sommes arrivés là. Et au jeu puéril de savoir si untel OU untel est responsable de cette situation plutôt qu’un autre, je n’ai qu’une réponse qui me vient : nous sommes tous responsables. Par nos ambitions, nos errements, nos appréhensions, nos renoncements, nos lâchetés, nous sommes tous responsables. La démocratie a cela de magnifique qu’elle nous engage finalement tous au regard de notre avenir, d’un élu de la République comme toi au simple citoyen comme moi. Quand les jeux et calculs électoraux prennent le pas sur les responsabilités citoyennes, le résultat est redoutable. Mais nous sommes tous aussi responsables, potentiellement et heureusement, de la solution.

Il peut paraître paradoxal de s’adresser à toi dans ce moment précis. Tu as représenté dans cette élection un parti important mais en crise, dans l’obligation de se retirer pour un deuxième tour sans espoir mais sans remord. Certains diront que je tire sur une ambulance, ce qui serait me prêter beaucoup d’importance, d’autres que je prends beaucoup de précautions pour un candidat pour eux responsable de cet échec. Je t’écris simplement parce que j’ai la chance de te connaître. J’ai rencontré dans ma vie et ma carrière quelques rares élus de la république, de droite comme de gauche, qui manifestaient d’une réelle curiosité pour les enjeux que représentent la culture et l’éducation dans des situations difficiles telles que nous les connaissons. Tu en fais partie. Et je ne vois pas pourquoi je devrais m’abstenir (un mot que j’utilise rarement) de m’adresser à toi sous prétexte que tu as perdu ces élections. De toutes manières, je n’ai pas l’adresse du vainqueur ! En m’adressant à toi, c’est à l ‘élu local que je m’adresse. Les solutions peuvent émerger de notre propre initiative régionale. En m’adressant à toi, c’est à tous les électeurs de gauche que je m’adresse, les déçus de la politique du gouvernement que tu représentes, les fidèles malgré tout, les orphelins de Jean Jaurès et les admirateurs d’Emmanuel Macron (si, j’en connais !). Car l’exemple viendra de tous, des représentants élus aux simples citoyens, sur la base d’une action commune sur la citoyenneté, l’emploi, la culture, l’éducation, la laïcité. Finalement, les choses sont peut être simples, non ? La représentation citoyenne est à réformer totalement, c’est un fait. Arrêtons de regarder les pays du Nord et leur système de représentation démocratique, hors des plans de carrières politiques, et mettons le en place à notre manière, avec un vrai rôle direct de la société civile et une responsabilisation de la citoyenneté et des élus, qui peut passer sans doute par la prise en compte du vote blanc et l’obligation de vote. Ce serait, de plus, une réforme qui s’inscrirait dans une démarche d’exemplarité européenne, qui sait si nous en avons besoin. Il y a une méthode contre le chômage de droite et une de gauche. Pourquoi ne pas mettre simplement en pratique cette dernière, avant que la première ne s’impose définitivement dans tout le pays et toute l’Europe, avec les résultats que l’on sait. La gauche doit se réapproprier l’enjeu de la culture une bonne fois pour toute. Elle a trop longtemps cru qu’elle était une de ses prérogatives au point de la laisser s’échapper et devenir cette chose dont on se méfie, pour mieux en dénoncer l’élitisme. Il est frappant qu’il ait fallu attendre que Marion-Maréchal Le Pen prononce un discours « culturel » pour que nous réagissions enfin, alors que l’enjeu économique de la culture dans notre région est plus important que dans toutes autres régions. Il en est de même avec l’éducation, autre manière de dire « culture » en visant les générations qui arrivent. Il est temps enfin que la gauche reprenne en main le projet d’une laïcité qui est sa superbe contribution à l’histoire de notre pays, pour mieux l’arracher des mains de ceux qui veulent la détruire en la revendiquant et en l’usurpant.

Je n’en veux pas à mes amis qui n’ont pas voté ce soir, même si j’ai un peu l’impression d’avoir fait le travail à leur place. Je comprends parfaitement leur motivation, et leur amertume. Une amertume qui peut conduire notre pays à une situation plus grave encore, à terme. La réussite d’un parti comme le Front National porte les germes d’un conflit intérieur bien plus pesant, bien plus inquiétant encore. Pourtant, il y a aussi des raisons d’espérer. Après tout, la haine n’a pas gagné, même de peu. Le sursaut s’est exprimé dans le pire contexte de peur et d’effroi que notre pays a connu ces dernières décennies. Malgré tout, la haine n’est pas passée. C’est le rôle du citoyen de faire barrage, mais c’est aussi son rôle de construire. Agnès Freschel, rédactrice en chef du journal Zibeline, a signé un magnifique édito cette semaine sur les raisons de son vote « Estrosi » contre le Front National. Elle, candidate à Marseille aux dernières municipales sur la liste du Front de Gauche, appelait à surtout ne pas en rester là, faire résistance, surveiller activement cette majorité qui doit sa place à notre vote, et, surtout, construire collectivement les bases d’un vrai renouveau citoyen, seul moteur efficace pour proposer quelque chose de probant à ceux qui n’ont plus que le vote extrémiste pour se donner l’illusion de s’exprimer. Je veux croire comme Agnès que cela est possible, avec nos différences, nos principes, nos convergences. Certains pensent que cela doit se faire hors de toutes institutions, tous partis, toutes organisations. Cela ne doit-il pas simplement se faire ensemble ? Auquel cas, il faudra rester vigilant pour ne pas commettre les mêmes erreurs qui ont failli nous être fatales, celles des oligarchies politiques, celles des manœuvres de calculs, celles des ambitions mal placées.

C’est donc une année de larmes que nous avons vécu. En janvier et novembre nous avons perdu près de cent cinquante de nos concitoyens, victimes du fanatisme le plus abject. Là encore, au delà d’un état d’urgence que je suis bien incapable de renier au regard de la situation du pays, mais dont il faudra bien trouver la fin rapidement au risque d’y perdre notre identité et notre âme, les solutions sont à trouver collectivement, en toute responsabilité, vers la culture, la laïcité, l’éducation, la citoyenneté. Ces solutions sont celles qui représentent le peuple de gauche, elles ne sont pas incompatibles avec le besoin légitime de sécurité que nous recherchons, et partagent des valeurs avec tous ceux, de droite comme de gauche, qui sont épris de liberté et de république. Depuis ces événements tragiques, le peuple de gauche a de nouveau vibré en chantant la Marseillaise, redécouvert le symbole de notre devise et de notre drapeau, sans pour autant renoncer à notre saine méfiance du nationalisme rance. Je ne sais pas si je suis ce que l’on peut appeler un patriote, mais j’aime la France pour ce qu’elle représente, malgré ses erreurs, ses errements, ses amnésies. Je voyage assez pour constater qu’elle est toujours, partout, ce symbole de liberté, d’égalité, de fraternité.

Et je ne veux plus jamais vivre cette année 2015. Tu m’excuseras j’espère de t’interpeller ainsi au sujet d’un problème si vaste. J’ose même espérer que tu as d’autres chats à fouetter. Mais en m’adressant à celui que je sais amateur d’art et d’échange, comme à tous ceux qui ont la fibre des lendemains meilleurs, j’exprime enfin mes désillusions comme mes espoirs. Après tout, tu exprimais ce soir ton souhait légitime de faire pression sur la nouvelle majorité de Christian Estrosi au regard de résultats qui doivent essentiellement à notre mobilisation. C’est aussi notre devoir désormais de faire pression sur vous et les représentants des partis de la gauche dite « gouvernementale », comme sur les autres, pour des solutions rapides, dans un esprit de construction et d’initiative. Puisse une initiative personnelle purement spéculative trouver le chemin des résolutions collectives et concrètes. De lourdes responsabilités pèsent sur nos épaules, il s’agit d’en alléger le poids collectivement. Pour ma part, je suis à la disposition de la communauté, et espère déjà délester par des musiques de circonstances le cœur de nos amis comme moi affligés par une situation qui nous ne devons plus jamais revivre.

Amicalement,

Raphaël



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Musicien autodidacte né en 1974, Raphaël Imbert poursuit un chemin atypique (...)

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