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John Zorn, un bol d’air à Marciac



le 27 novembre 2009 
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Une page "rebonds" de Libération du 24 août 2005


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John Zorn, Un bol d’air à Marciac
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John Zorn, un bol d’air à Marciac


La prestation du saxophoniste new-yorkais marque un tournant sur la scène sclérosée du jazz, en mal de réflexion.

Par Raphaël IMBERT

Musicien lauréat de la Villa Médicis Hors les Murs 2004 et du 28e Concours national de jazz de la Défense.

mercredi 24 août 2005

et si le Jazz, que l’on dit malade de son intellectualisation, était au contraire fragilisé par sa peur du projet et du discours ?

Ainsi, le concert de John Zorn à Jazz in Marciac 2005 aura été sinon la meilleure soirée de cette édition, au moins un moment exceptionnel de ce festival unique (cf. le compte rendu de Serge Loupien dans Libération du jeudi 11 août).

Après tout, qui aurait pu en douter tant le légendaire quartet Masada du saxophoniste et compositeur new-yorkais représente un exemple rare de rigueur musicale et d’activisme artistique radical au service d’un projet assumé pour sa dimension politique et esthétique. Mais ce genre d’investissement artistique n’a pas bonne presse partout, comme si ces musiques devaient rester éloignées de toute contingence trop conceptuelle. Et profitons de cette fin de saison festivalière pour appeler à la réflexion et dresser un constat lucide sur un domaine artistique qui profite d’un succès public constant tout en disparaissant imperturbablement du paysage culturel et intellectuel.

Le succès remporté contre l’attente de certains par un projet conceptuel dirigé par John Zorn dans un grand festival populaire tel que Marciac (remercions un tel festival de s’engager encore dans ce genre d’initiative) illustre profondément une crise majeure d’identité du jazz face à l’environnement culturel général ainsi qu’une fracture croissante entre le public, les leaders d’opinion et les musiciens. Plus que fustiger la sempiternelle frilosité des programmateurs, il faut désormais reconnaître l’échec du jazz en tant qu’acteur important de la vie intellectuelle et culturelle contemporaine, alors même que la demande pédagogique et publique pour les musiques improvisées est plus que jamais importante.

Quelques questions, parmi tant d’autres : a-t-on entendu lors des grands mouvements et interrogations culturels de ces dernières années la voix claire, engagée et intelligible des représentants du « milieu » du jazz ? peut-on s’enorgueillir de n’avoir jamais suscité de débat esthétique et médiatique comparable à la controverse lancée il y a quelques années par Leconte et Tavernier contre certains critiques de cinéma, ou plus récemment par la « querelle d’Avignon » ?

Combien d’articles de musiciens de jazz engageant leur parole et leur responsabilité d’artiste face à l’actualité dans les pages Rebonds de ce journal ?

Cette impression de vide s’explique par cette formidable propension à refuser au jazz toute parole autre que strictement musicale, selon un fantasme encore bien partagé selon lequel le jazz se suffit en tant que tel, opérant un miracle de génération spontanée où la musique apparaît par elle-même.

Outre l’aspect nauséabond de l’affirmation franchement anti-intellectuelle qui consiste à dire que « la musique (et le jazz particulièrement) ça ne se discute pas, ça se joue », on observe l’inexorable dérive d’un domaine artistique déconnecté des urgences philosophiques, esthétiques, politiques, spirituelles, qui font l’actualité des autres disciplines culturelles et les mettent en phase avec le monde et son évolution.

A force de dénigrer l’importance de la conceptualisation comme étant un instrument « d’intello », on dénie aux grandes figures de l’histoire du jazz leurs engagements artistiques et on laisse les nouvelles générations de musiciens et d’amateurs dans un désarroi intellectuel flagrant. Sans parler du public, qui, comme celui que j’ai rencontré à Marciac cette année, demeure avide de sens et d’aventure artistique, se trouvant finalement bien délaissé et sous-estimé alors qu’il sert de justification idéale pour les médiocrités estivales.

L’arrivée d’un artiste engagé et porteur de projet comme Zorn dans un contexte intellectuel aussi sclérosé ne peut être vécu que comme un immense bol d’air, mais aussi comme une grande surprise pour une majorité de la profession qui avait facilement enterré l’avant-garde engagée de cette musique.

Serge Loupien concluait son article sur l’importance de cette prestation en tant que « nouveau tournant de l’existence tourmentée » de Jazz in Marciac. En fait, c’est toute la profession du jazz qui se retrouve à ce moment crucial de son histoire.

Faute à cette profession de prendre en main énergiquement une réflexion globale sur son avenir et sa place dans le paysage culturel, cette musique, élément incontournable de la modernité culturelle, sera finalement coupée de son essence, victime d’un individualisme forcené et d’une économie culturelle en pleine transformation. Et ceci au moment où les propositions musicales ont rarement été aussi diverses et excitantes que maintenant.


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Musicien autodidacte né en 1974, Raphaël Imbert poursuit un chemin atypique (...)

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